Fiche n° 118 : Un sale boulot de Christopher Moore
Charlie Asher est un type incroyablement ordinaire, extraordinairement banal, extrêmement sans histoire. Il est le prototype de ce que l'on nomme un mâle bêta dans toute sa (non) profondeur. Ni méchant, ni dérangé, pas même désagréable, il est le dernier des dominés de la meute. Charlie mène une vie désespérément simple de brocanteur avec sa femme. Mais lorsque celle-ci meure en donnant naissance à leur fille, tout s'écroule. Plus encore après avoir vu ce type en vert, que « personne ne peut normalement voir ». Alors que dire quant aux phénomènes étranges qui surviennent soudains ? Pourquoi entend-il des voix ? Et surtout, pourquoi est-ce que des gens meurent tout autour de lui ?
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=26469
Mon avis :
Sorti en 2006 aux USA et en 2007 chez nous, dans la merveilleuse collection Interstices, Christopher Moore joue dans un registre déjà relativement traité, celui de la Mort incarnée dans le monde contemporain. Seulement, il prend le problème sur le ton de l'humour, et ce, avec une efficacité terrible.
Un sale boulot n'est pas l'histoire la plus originale de la planète ; le sujet sent même un peu le réchauffé. Pour ceux qui connaissent la série Dead Like Me, je dirais même que l'ensemble de l'influence ne vous échappera pas. Seulement, la direction différente que l'auteur prend rapidement réveille la curiosité du lecteur. Plus qu'un énième conte initiatique, c'est bien la psychologie du personnage, vrai bon loser moderne, qui est mise en avant. Loin des raccourcis faciles d'une prise de conscience invraisemblable, la vie bouleversée du personnage et le regard de son entourage est bien construite, rendant le tout fluide et prenant.
Le tout est servi par un Christopher Moore à l'humour ravageur. Subtiles ou carrément tartes, ses blagues, ses tournures cocasses de situations et ses jeux de personnages font souvent mouche. Avec des descriptions décalées très pratchettiennes, des pitreries omniprésentes, il nous promène avec un sourire permanent dans son sujet qui ne prête pas à rire de base. A ce niveau, sa spécialité potache ou fine est à son apogée.
Cela étant, le monde, les personnages viennent rapidement à manquer de profondeur. L'ambiance « surdosée » et caricaturale cause des lourdeurs ou frappe un peut trop dans des gags téléphonés. Les habitués du burlesque fantastique ne riront pas autant que les nouveaux venus, mais je ne cracherai pas dans la soupe, il y a quand même un bon moment à passer.
Très drôle mais pas généralissime, Un Sale Boulot est tout de même une histoire amusante, entraînante et somme toute bien conduite. Sans être exceptionnel dans ses qualités, il est loin de n'avoir que des défauts. Le plus facile d'accès des Interstices [à mes yeux] s'adresse surtout à un public nouveau ou jeune, pour qui il constitue un choix excellent. Les plus rodés risquent quant à eux de ne pas rire autant et ne pas voyager aussi loin.
6/10 (lecteurs « expérimentés ») à 8/10 (nouveaux venus). Inégal en fonction de votre expérience, Un Sale Boulot reste un livre franchement marrant au traitement globalement pas mal réussi de son sujet. Pas prise de tête, il reste un bon joker pour s'en payer une tranche ou une bonne porte d'entrée pour le fantastique burlesque.
Aneria