Fiche n° 431 : Grasse carcasse (Blast 1) de Larcenet
Couverture :
Résumé :
Un homme seul, obèse et sale, est amené au commissariat. Ce qu'il a fait, pourquoi il est là, nous n'en saurons encore rien. Au cours de l'interrogatoire, confession impudique, il va livrer sa vie et expliquer au lecteur passionné comment il a, un jour, lâché prise, et est parti sur les routes à la recherche du Blast - cet instant magique où tout s'illumine et sa vie devient parfaite.
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=34931
Mon avis :
Polza Mancini, homme obèse de 38 ans, rêve, seul dans une cellule. Il rêve de l'île de Paques, d'évasion spirituelle. Polza Mancini est un criminel, peut être un meurtrier, nous n'en savons rien. Sa culpabilité ne fait pourtant pas de doute. S'il est là, ce n'est que pour s'expliquer, se justifier, pour que les 2 flics qui l'interrogent comprennent "ce qu'il a fait à Carole"...
Je ne suis pas un inconditionnel de Larcenet. J'ai beaucoup aimé Le combat ordinaire, auquel j'ai préféré d'ailleurs Le retour à la terre, je trouve les aventures rocambolesques, sympa mais inégales... Bref, j'aimais bien ce qu'il faisait, mais sans être fan comme certains. Pourtant, j'avoue que j'attendais Blast avec une certaine excitation. Le synopsis, quelques visuels... Bref, tout ça pouvait donner quelque chose de plutôt intéressant. C'est donc avec une certaine fébrilité que j'ai commencé à lire Blast, appréhendant la déception (il faut avouer que c'est souvent ce qui arrive dans pareil cas).
Une introduction silencieuse, une mise en page travaillée, une ambiance sombre. En quelques pages, sans un mot, le décor est posé. Au diable l'appréhension, avant même que la confession commence, on est complètement absorbé dans cette histoire, celle de cet homme étrange, et de ce qui l'a amené à faire "ça". Ce qu'il a fait justement, cela n'a pas d'importance, du moins pas pour l'instant. Dans ces quelques 200 pages, il raconte sa vie à lui, bien avant son crime, afin qu'ils puissent comprendre son acte.
200 pages sur la vie d'un écrivain de manuels de cuisine, ça peut paraitre étrange. Pourtant, sa narration posée, la beauté de ses mots, de ses phrases nous embarquent sans la moindre difficulté jusqu'à la fin. Comme ces deux flics, on écoute avec émerveillement le récit de cet homme qui aime les barres funky chocolat, et qui est parti de chez lui, un jour, après avoir ressenti une étrange sensation, indescriptible, au fond de lui même, le plongeant dans une sorte de transe : le blast. Sorte d'illumination, il est parti en espérant ressentir à nouveau cette sensation.
Tout comme Polza semble maitriser chaque mot qu'il délivre lors de son interrogatoire, Larcenet semble avoir atteind avec Blast le sommet de son art. Chaque page respire la perfection (c'est aussi étrange pour moi de l'écrire que pour vous de le lire, mais c'est comme ça...). Tout semble calculé au millimètre, afin d'obtenir un récit d'exception. A chaque page que l'on tourne, on est bluffé par cette maitrise, cette faculté à rendre le noir toujours plus noir, ces contrastes toujours plus intenses, à changer de rythme, à nous plonger toujours plus profondément dans cette ambiance sombre..
A chaque page, on se laisse encore embarquer un peu plus, manipuler avec bonheur par cet éloquent criminel. Et même si, après ces 200 pages, on ne semble pas avoir avancé dans la résolution, l'explication du crime, on a l'intime conviction d'avoir pourtant reçu certaines clefs, pour plus tard, qu'on n'identifie simplement pas comme telles pour l'instant. Les choses viendront en leur temps, ça ne fait pas le moindre doute. Et puis, il faut avouer aussi, qu'en plus de ne pas s'ennuyer, on passe vraiment un moment d'exception en compagnie de ce sympathique meurtrier...
9,5/10 Juste un petit conseil au moment de l'offrir à tous vos amis pour noël, dites "tiens, le dernier Larcenet" plutôt que "tiens, une BD fabuleuse en noir et blanc qui parle d'un assassin qui raconte sa vie qu'est devenue géniale après la mort de son père", ça passera beaucoup mieux...
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