Fiche n° 512 : Joyeuses Apocalypses de Jacques Spitz
Couverture :
Résumé :
Un jour, les mouches sont devenues intelligentes, et elles ont déclaré la guerre à l’humanité. Et si, par hasard, elles gagnaient ? (Version originale de 1938.)
Un savant misanthrope découvre le moyen de dilater et de comprimer les atomes, ce qui lui permet de varier la taille humaine. Mais la guerre a éclaté en Europe, et la Défense nationale utilise cette invention comme une arme. Le début d’une révolution…
Quelques années seulement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Troisième commence, entre Russes et Américains. Missiles intercontinentaux, armes climatiques, soldats cryogénisés… quand l’armement devient véritablement cosmique, peut-il y avoir un gagnant ?
Trois romans et six nouvelles pour en finir avec l’humanité : neuf apocalypses à la carte.
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=32523
Mon avis :
De Jacques Spitz, nous vous avons déjà touché quelques mots lors de la réédition de L'Oeil du Purgatoire aux excellentes éditions de l'Arbre Vengeur. De la collection T.S.F., on vous en parle régulièrement puisque chaque volume de la collection dirigée par Laurent Genefort s'est vu critiquer dans le cadre de ce blog (ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI et ICI) ; le terme "indispensable" mettant un point d'honneur à clore systématiquement lesdites chroniques. Aussi, lorsque cette TSF consacre un de ses trésors à Spitz, vous pensiez bien qu'on n'allait pas le rater.
L'oxymore du titre révèle bien le paradoxe qui singularise l'oeuvre de Jacques Spitz ; une oeuvre qui oscille entre un humour cynique né du ton volontiers moqueur de l'auteur et la tragédie d'une humanité qui meurt encore et encore, souvent par sa faute. A ce paradoxe s'ajoute une évidente lucidité, un regard aiguisé sur son époque qui, près de 70 ans plus tard, laisse pantois.
Après les martiens de Wells, après les ferromagnétaux de Aîné et avant les Triffides de Wyndham, l'humanité a été confrontée aux mouches. Oui, aux mouches. Ces maudits insectes qui vous empêchent de dormir avec leur bourdonnement incessant, qui viennent mourir contre les carreaux désormais sales de vos fenêtres ou sur les longs tue-mouches qu’elles vous ont obligées à coller sous vos plafonds, amenant dans votre salon une décoration dont vous vous seriez bien passée. C’est bête une mouche ! Incontestablement, l’idée de devoir les affronter peut sembler tirée par les cheveux ou, à tout le moins d'une mauvaise série B. Pourtant, chez Spitz, ces mouches ne prêtent que rarement à sourire et même si le texte n’a pas pour vocation à faire peur, vous n’êtes pas à l’abri de petits frissons. Car ces mouches inquiètent et plus encore, elles pointent du doigt nombre de nos faiblesses, souvent des choses que l’on croit, à tord, comme acquises. Au départ, l'impression de lire un Jules Verne - si celui-ci avait écrit un demi-siècle plus tard - m'a saisi mais cette fausse appréciation n'a pas tardé à s'effacer ; c'est plutôt du côté de H.G. Wells qu'il faut chercher la référence. Toutefois, Spitz n'a pas juste copié La Guerre des Mondes en changeant les "méchants". Non. Dans La Guerre des Mouches comme dans les textes suivants, Spitz interroge son temps, celui de l'entre-deux guerre, de la seconde guerre mondiale puis de la guerre froide. Une époque d’incertitude où l’apocalypse n’était pas seulement un scénario de science-fiction mais une réalité parfaitement envisageable, celle d’un désastre imminent… Aussi, souvent, Spitz se laisse aller à critiquer de manière sarcastique les corps armés et, de façon plus générale, la propension de l'homme à la violence.
L'homme-élastique prend la forme d'un journal où un scientifique raconte au jour le jour l'avancée de sa grande oeuvre : la dilatation des atomes dont l'aboutissement sera l’avènement des hommes-élastiques. Pour Spitz, il n'est point question de concurrencer l'un des membres des quatre fantastiques (qui n'avait, par ailleurs, pas encore vu le jour) mais plutôt de concevoir un futur où l’homme pourrait, à volonté, changer de taille. Dans ce livre, l'humour naît de la vision scientifique, froide et décalée du narrateur qui l'amène à commettre des actes ou à dire des choses qui font sourire à défaut d'être vraiment rigolote - c'est même très souvent cruel. Petit revers de la médaille, l'auteur pousse parfois le vice – le sien ? – trop loin et entame la crédibilité du récit. Là où la première partie s’attarde sur la genèse du projet puis de ses échos dans la seconde guerre mondiale, le seconde est – si cela est possible – encore plus géniale alors que, de cette révolution naissent des applications pour le moins étonnantes.
Jamais publié, La troisième Guerre mondiale imagine un passé alternatif où la guerre froide aurait dégénéré. Si les amateurs d'uchronie devraient y trouver leur compte, il n'est pas écarté que les autres ne baillent pas un peu à la lecture de ce texte, disons-le clairement, moins intéressant que ses deux aînés. Oui, c’est court comme analyse mais je ne vois pas trop quoi rapporter à son sujet, si ce n’est qu’il a mal vieilli.
Tantôt drôles, tantôt tristes, les six nouvelles sont de facture variable. Certaines sont même carrément anecdotiques. On peut toutefois citer Le Nez de Cléôpatre qui voit la disparition de l'eau ou Interview d'une Soucoupe volante où l'Homme apprend combien le sort des huîtres est peu enviable. Voilà deux textes assez jouissifs quoique pas inoubliables.
Signalons, enfin, la très belle postface de Joseph Altairac qui éclaire l'oeuvre d'un auteur par trop méconnu (comme tous ceux de proto-SF). Pour ma part, quelques titres cités (absents du sommaire du présent volume) sont venus se greffer à la longue liste des livres que je dois, dans un avenir plus ou moins proche, lire.
8,5/10 En dépit de quelques textes moyens, ce TSF, cinquième du nom, n'est rien moins qu'indispensable. Oui, encore. Lisez La Guerre des Mouches, lisez L'Homme-élastique, bref, lisez Joyeuses Apocalypses.
Simatural
Résumé :
Un jour, les mouches sont devenues intelligentes, et elles ont déclaré la guerre à l’humanité. Et si, par hasard, elles gagnaient ? (Version originale de 1938.)
Un savant misanthrope découvre le moyen de dilater et de comprimer les atomes, ce qui lui permet de varier la taille humaine. Mais la guerre a éclaté en Europe, et la Défense nationale utilise cette invention comme une arme. Le début d’une révolution…
Quelques années seulement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Troisième commence, entre Russes et Américains. Missiles intercontinentaux, armes climatiques, soldats cryogénisés… quand l’armement devient véritablement cosmique, peut-il y avoir un gagnant ?
Trois romans et six nouvelles pour en finir avec l’humanité : neuf apocalypses à la carte.
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=32523
Mon avis :
De Jacques Spitz, nous vous avons déjà touché quelques mots lors de la réédition de L'Oeil du Purgatoire aux excellentes éditions de l'Arbre Vengeur. De la collection T.S.F., on vous en parle régulièrement puisque chaque volume de la collection dirigée par Laurent Genefort s'est vu critiquer dans le cadre de ce blog (ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI et ICI) ; le terme "indispensable" mettant un point d'honneur à clore systématiquement lesdites chroniques. Aussi, lorsque cette TSF consacre un de ses trésors à Spitz, vous pensiez bien qu'on n'allait pas le rater.
L'oxymore du titre révèle bien le paradoxe qui singularise l'oeuvre de Jacques Spitz ; une oeuvre qui oscille entre un humour cynique né du ton volontiers moqueur de l'auteur et la tragédie d'une humanité qui meurt encore et encore, souvent par sa faute. A ce paradoxe s'ajoute une évidente lucidité, un regard aiguisé sur son époque qui, près de 70 ans plus tard, laisse pantois.
Après les martiens de Wells, après les ferromagnétaux de Aîné et avant les Triffides de Wyndham, l'humanité a été confrontée aux mouches. Oui, aux mouches. Ces maudits insectes qui vous empêchent de dormir avec leur bourdonnement incessant, qui viennent mourir contre les carreaux désormais sales de vos fenêtres ou sur les longs tue-mouches qu’elles vous ont obligées à coller sous vos plafonds, amenant dans votre salon une décoration dont vous vous seriez bien passée. C’est bête une mouche ! Incontestablement, l’idée de devoir les affronter peut sembler tirée par les cheveux ou, à tout le moins d'une mauvaise série B. Pourtant, chez Spitz, ces mouches ne prêtent que rarement à sourire et même si le texte n’a pas pour vocation à faire peur, vous n’êtes pas à l’abri de petits frissons. Car ces mouches inquiètent et plus encore, elles pointent du doigt nombre de nos faiblesses, souvent des choses que l’on croit, à tord, comme acquises. Au départ, l'impression de lire un Jules Verne - si celui-ci avait écrit un demi-siècle plus tard - m'a saisi mais cette fausse appréciation n'a pas tardé à s'effacer ; c'est plutôt du côté de H.G. Wells qu'il faut chercher la référence. Toutefois, Spitz n'a pas juste copié La Guerre des Mondes en changeant les "méchants". Non. Dans La Guerre des Mouches comme dans les textes suivants, Spitz interroge son temps, celui de l'entre-deux guerre, de la seconde guerre mondiale puis de la guerre froide. Une époque d’incertitude où l’apocalypse n’était pas seulement un scénario de science-fiction mais une réalité parfaitement envisageable, celle d’un désastre imminent… Aussi, souvent, Spitz se laisse aller à critiquer de manière sarcastique les corps armés et, de façon plus générale, la propension de l'homme à la violence.
L'homme-élastique prend la forme d'un journal où un scientifique raconte au jour le jour l'avancée de sa grande oeuvre : la dilatation des atomes dont l'aboutissement sera l’avènement des hommes-élastiques. Pour Spitz, il n'est point question de concurrencer l'un des membres des quatre fantastiques (qui n'avait, par ailleurs, pas encore vu le jour) mais plutôt de concevoir un futur où l’homme pourrait, à volonté, changer de taille. Dans ce livre, l'humour naît de la vision scientifique, froide et décalée du narrateur qui l'amène à commettre des actes ou à dire des choses qui font sourire à défaut d'être vraiment rigolote - c'est même très souvent cruel. Petit revers de la médaille, l'auteur pousse parfois le vice – le sien ? – trop loin et entame la crédibilité du récit. Là où la première partie s’attarde sur la genèse du projet puis de ses échos dans la seconde guerre mondiale, le seconde est – si cela est possible – encore plus géniale alors que, de cette révolution naissent des applications pour le moins étonnantes.
Jamais publié, La troisième Guerre mondiale imagine un passé alternatif où la guerre froide aurait dégénéré. Si les amateurs d'uchronie devraient y trouver leur compte, il n'est pas écarté que les autres ne baillent pas un peu à la lecture de ce texte, disons-le clairement, moins intéressant que ses deux aînés. Oui, c’est court comme analyse mais je ne vois pas trop quoi rapporter à son sujet, si ce n’est qu’il a mal vieilli.
Tantôt drôles, tantôt tristes, les six nouvelles sont de facture variable. Certaines sont même carrément anecdotiques. On peut toutefois citer Le Nez de Cléôpatre qui voit la disparition de l'eau ou Interview d'une Soucoupe volante où l'Homme apprend combien le sort des huîtres est peu enviable. Voilà deux textes assez jouissifs quoique pas inoubliables.
Signalons, enfin, la très belle postface de Joseph Altairac qui éclaire l'oeuvre d'un auteur par trop méconnu (comme tous ceux de proto-SF). Pour ma part, quelques titres cités (absents du sommaire du présent volume) sont venus se greffer à la longue liste des livres que je dois, dans un avenir plus ou moins proche, lire.
8,5/10 En dépit de quelques textes moyens, ce TSF, cinquième du nom, n'est rien moins qu'indispensable. Oui, encore. Lisez La Guerre des Mouches, lisez L'Homme-élastique, bref, lisez Joyeuses Apocalypses.
Simatural