Fiche n° 592 : L'Empire Ultime (Fils-des-Brumes 1) de Brandon Sanderson
Couverture :
Résumé :
Les brumes règnent sur la nuit,
Le Seigneur Maître sur le monde.
La jeune Vin ne connait de l’Empire Ultime que les brumes de Luthadel, les pluies de cendre et le regard d’acier des Grands Inquisiteurs. Depuis plus de 1000 ans, le Seigneur Maître gouverne les hommes par la terreur. Seuls les nobles pratiquent l’allomancie, la précieuse magie des métaux.
Mais Vin n’est pas une adolescente comme les autres. Et le jour où sa route croise celle de Kelsier, le plus célèbre voleur de l’Empire, elle est entraînée dans un combat sans merci. Car Kelsier, revenu de l’enfer, nourrit un projet fou : renverser l’Empire.
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=37051
Mon avis :
Brandon Sanderson a écrit Elantris.
Brandon Sanderson écrit la suite et fin de La Roue du Temps.
Brandon Sanderson écrit Alcatraz, une série jeunesse dans la droite lignée d’Artemis Fowl.
Brandon Sanderson va écrire The Way ok Kings, premier tome d’une saga qui en comptera dix.
Impossible de s’intéresser un tant soit peu à la fantasy actuelle sans entendre déclamer mille et une louanges à propos de Brandon Sanderson. En effet, qu’ils soient de grands écrivains ou d’illustres critiques, tous s’accordent à dire que Brandon Sanderson écrit beaucoup – et bien. Trop, c’est trop ; aussi, cette critique s’attachera à mettre fin à la réputation par trop flatteuse qui entoure cet auteur agaçant.
L’Ultime Empire, c’est un peu les Salauds Gentishommes de Scott Lynch – à la différence près que ceux-ci disposeraient de pouvoirs magiques – qui préparent les « casses » ambitieux dont ils sont coutumiers. Sauf que l’arnaque en question paraît plus qu’impossible : renverser un empire. Pour parvenir à ses fins, Kelsier réunit tout autour de lui d’anciens membres : son fidèle Dockson, Marsh l’austère, Yeden le sérieux, le peu loquace Clampin, l’inénarrable Brise, Ham le soldat philosophe, ou encore, Sazed l’intendant qui connaît toutes les religions sauf la sienne.
En matière de charisme, Kelsier n’a rien à envier à Locke Lamora : déterminé, courageux, téméraire, il cache de profondes cicatrices sous sa bonne humeur, son grand cœur et son ego surdimensionné. A ses côtés, les membres hétéroclites de sa « bande » ne dépareillent pas et tous révèlent une profondeur opportune et un caractère propre. Tout est mise en œuvre pour que l’on s’attache rapidement à ses bandes de voleurs-rebelles et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est tout à fait réussi : on n’a de cesse de trembler en attendant la possible trahison ou erreur qui mettra fin à leur « mission impossible ».
Une ambiance de paranoïa bien entretenue par Vin – l’adolescente qui se découvre des pouvoirs de l’histoire. Après quelques douloureuses expériences riches en enseignement dans les rues malfamées, celle-ci connaît quelques difficultés à donner sa confiance ; pis, elle voit des trahisons partout – et le lecteur aussi du coup. Au vu du nombre de pages qui lui est consacré, Vin se révèle la véritable héroïne du roman. Et si elle ne possède pas le charisme de Kelsier, elle ne souffre jamais de la comparaison avec lui. Intelligente et sauvage, elle n’a non plus rien en commun avec les adolescents naïfs qui pullulent en fantasy et finit de nous convaincre que c’est n’est décidément pas du côté des personnages que l’on trouvera le point faible de l’empire ultime.
L’un des points forts de l’univers imaginé par Sanderson, c’est sans aucun doute possible son système de magie original à base de métaux. S’il possède un côté « jeu de rôle » indéniable, il n’en demeure pas moins complexe et riche à souhait et parfois même retors à mesure qu’il révèle des effets et des développements inattendus et de fait, bienvenus.
On l’a dit, Brandon Sanderson écrit des histoires. Beaucoup. Des histoires qu’il sait mettre en scène et raconter de telle sorte que son lecteur ne s’ennuie jamais ; sa plus belle réussite est peut-être l’absence notable de longueurs sur les 600 pages qui composent ce pavé. On a même parfois l’impression que l’auteur américain ne nous dit pas tout (le secret de son étonnante fluidité ?), qu’il laisse volontairement une partie de l’intrigue dans l’ombre, que les personnages ont une vie propre en dehors de ce qui nous est rapporté. Par l’intermédiaire d’ellipse et de multiples rebondissements, l’auteur d’Alcatraz a réussi à dynamiser suffisamment son action pour qu’il ne soit pas possible de reposer son livre. Le vicieux !
Avec le récit introduisant chaque chapitre, on pourrait se dire que la trilogie Fils-des-Brumes pourrait bien être la suite d’une épopée de fantasy s’étant déroulée près d’un millénaire auparavant, la séquelle d’une épopée qui aurait vu la victoire du Bien mais qui, pour une raison x ou y, aurait débouché sur un monde apocalyptique et cruel, celui de l’Empire Ultime. Un monde sur le déclin, noyé sous les cendres qui tombent du ciel, plongé dans l’immobilisme d’un règne qui dure depuis trop longtemps. Un monde où les plantes ne sont plus vertes.
Si Fils-des-Brumes s’appuie, en partie, sur des clichés rouillés, l’auteur américain possède le talent nécessaire pour les ressortir polis, tordus, lustrés, chromés si bien que l’on n’en fait même plus cas. Même la traditionnelle histoire d’amour se révèle agréable à suivre. Et si jamais, par mauvaise foi extrême, on devait reprocher à L’Empire Ultime de n’être que la première partie d’une histoire qui en compte trois, sachez que cette histoire a le mérite de se voir conclue par une vraie fin. Oui, on retrouvera Vin et les autres mais non, il n’y a pas de vilain « à suivre » comme conclusion.
Tout ça pour dire que Brandon Sanderson réclame bien toute l’attention qu’on lui accorde : nul doute qu’il deviendra non seulement la coqueluche de Orbit (France) mais aussi celle du public français qui saura lui ménager, j’en suis sûr, la place qu’il mérite dans leur bibliothèque.
9/10 Classique ET originale, L’Empire Ultime s’impose d’emblée comme l’un des nouveaux classiques de la fantasy moderne et catapulte son auteur parmi les étoiles, aux côtés de Scott Lynch, Joe Abercrombie et Patrick Rothfuss ; une génération définitivement pétrie de talent et fière d’écrire dans le genre auquel elle donne actuellement ses lettres de noblesse.
Simatural