Fiche n° 603 : Preacher d'Ennis et Dillon
Couverture :
Résumé :
S'il est une série de la collection Vertigo qui fait parler d'elle depuis des années alors qu'elle n'a jamais été publiée intégralement en France, c'est bien celle qui conte les aventures de Jesse Custer, pasteur désabusé qui se voit investi d'une puissance divine. Il se donne alors une mission : retrouver Dieu... pour lui botter les fesses ? Ses deux camarades de route : Tulip, l'amour de sa vie, qui est aussi une tueuse à gages, et Cassidy, un vampire irlandais à la langue bien pendue. Les adversaires qu'ils croiseront sur leur route sont tous aussi déjantés les uns que les autres, et ce roadmovie est à ranger du côté des incontournables du logo Vertigo, de même que Sandman avant lui et Y : Le Dernier Homme de nos jours.
Informations complémentaires :
Tome 1 : http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=24187
...
Tome 7 : http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=36204
Mon avis :
Ames sensibles s'abstenir! V'là l'pèl'rin!
Née de la plume acérée de Garth Ennis et du pinceau corrosif de Steve Dillon en 1995 et publiée par le label adulte de DC Comics, Vertigo, Preacher fait partie de ces séries cultes injustement méconnues dans nos contrées. Autant le dire clairement, Preacher est aussi fondateur de la renommée de Vertigo que Swamp Thing de Moore, Sandman de Gaiman ou Hellblazer.
Preacher, ce sont les tribulations d'un pasteur texan, Jesse Custer, qui cherche Dieu, non pas au fond d'une bouteille (bien qu'il ne crache pas dessus) mais littéralement. La question qui anime les 66 épisodes et quelques spéciaux est la suivante: si Dieu a crée ce monde, pourquoi l'avoir abandonné? Vu le bordel régnant, il a des comptes à rendre, à coup de santiags dans les roustons s'il le faut.
Pour l'accompagner dans son périple à travers l'Amérique, Jesse est accompagné de son ex-petite amie, tueuse à gage ratée, Tulip, de son meilleur ami, l'irlandais Cassidy, vampire de son état et d'un talent inédit, la Voix de dieu, qui fait qu'on est expressément tenu de faire ce que Jesse ordonne s'il emploie un certain timbre de voix.
Le pasteur en use rarement (c'est un gars bien, dans le sens texan pur jus porté sur la castagne, les filles, les chevaux et un sens de l'honneur suranné) mais ça donne parfois lieu à des situations cocasses et/ou terrifiantes: imaginez par exemple qu'on vous intime l'ordre suivant: Go fuck yourself! et que n'ayez pas d'autre choix que l'appliquer littéralement. Aie.
66 épisodes qui nous entraînent dans les zones d'ombres des Etats-Unis, où les perversions les plus effroyables sont mises à jour, toujours avec ce ton acerbe et caustique qui caractérise Ennis. Un tableau incroyable de l'Amérique qui a stupéfié les Américains par son réalisme et son incroyable capacité à faire surgir tout ce qui traîne dans la face obscure et boueuse de l'american dream, le tout sous la plume d'un auteur irlandais.
Du Texas et de ses flics racistes jusqu'à la moelle jusqu'à New-York, véritable Sodome et Gomorrhe moderne, en passant par la Louisiane, son bayou, ses habitants plus dégénérés les uns que les autres à force de se reproduire dans les mêmes familles, tout le monde en prend pour son grade (y compris les français).
L'ensemble est excessivement violent mais toujours jubilatoire, un humour à la Tex Avery version gore en quelque sorte. Les dessins de Steve Dillon participent fortement de cette impression. Son trait à la fois simple et réaliste, à la limite de la douceur par moments, grâce aux couleurs employées et aux courbes de son style, provoquent un décalage saisissant avec la violence des propos et surtout celle qu'il illustre.
Dans Preacher, personne ne meurt proprement, pas de sauvetage de dernière minute. Quand on est touché, on y laisse toujours quelque chose. Quand les balles fusent, elles emportent nez, mâchoire, oreilles, parties génitales. Ca n'est jamais propre, ça fait toujours mal.
La force de Preacher, c'est que contrairement aux séries US à rallonge qui finissent par connaître l'usure, celle-ci était planifiée par l'auteur du début jusqu'à l'ultime confrontation du numéro 66 à Fort Alamo. Certains numéros (je pense au spécial Tall in the saddle) sont dispensables tant leur violence est gratuite mais l'ensemble reste d'un haut niveau tant scénaristique que graphique. Les dialogues d'Ennis font mouche et sont parsemés d'expression fleuries du genre " Je vais te faire regretter que ton père se soit pas retiré à temps " avant de refaire un portrait façon puzzle. Situations loufoques et meurtrières, personnages excessif, poissard de service abonné à la mutilation à répétition, coup de poignard à la société moderne et sa perte de valeur, les tics d'écritures d'Ennis sont bien présents, la patte de l'irlandais fou, devrais-je dire.
Initialement publié par le défunt éditeur Le Téméraire dans les années 90, Preacher est actuellement édité par Panini et approche de sa conclusion avec la parution du tome 7, Salvation.
9/10 Excessif, déjanté, irrévérencieux, plus texan que John Wayne, Preacher enterre le politiquement correct à chaque case.
Winter