Fiche n° 688 : Le Don de Patrick O'Leary
Couverture :
Résumé :
Dans un monde où l’art de raconter a presque remplacé celui de la magie, un Conteur monte à bord d’un bateau et, comme il est de coutume, doit payer son voyage par son art. Il s’y applique donc, cependant que des monstres rôdent dans la mer…
… et va narrer à l’équipage deux tragiques histoires, qui peut-être n’en forment qu’une. Celle d’un jeune souverain nommé Simon, tombé dans la mélancolie après être devenu sourd, et celle de Tim, un fils de bûcheron qui a perdu toute sa famille. Tous deux vont mener la même quête, retrouver et détruire le Portier de la Nuit, le vil sorcier à la source de leurs malheurs respectifs qui, bien des années auparavant, a libéré sur cette terre un antique mal. Une affection terrible ne touchant que les femmes, que Tim et Simon devront circonscrire pour défaire les plans abjects de leur ennemi commun.
Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=37055
Mon avis :
Pour payer son passage sur un bateau, un Conteur doit, chaque soir, raconter une histoire à l'équipage. Telle est la coutume. Mais pendant cette traversée, l'équipage remonte un cadavre de jeune fille dans ses filets et le Conteur cesse de conter. Les marins deviennent nerveux, l'ambiance se crispe. Un Conteur qui déroge à la tradition apporte le malheur, c'est certain.
Alors, le Conteur réunit l'équipage et rompt son silence. Ce n'est pas une histoire qu'il va leur narrer mais deux. Deux destinées qui vont s'imbriquer et se mêler à la trame de la réalité même. Le temps s'arrête, les histoires commencent.
Citée par André-François Ruaud dans sa Cartographie du Merveilleux comme l'une des cent œuvres incontournables de la fantasy, Le Don paraît enfin en France grâce aux éditions Mnémos et assorti d'une couverture superbe d'Alain Brion. Pour le coup, on leur pardonne les quelques coquilles présentes dans cette édition comme des mots manquants (surtout vers la fin) ou des interversions de protagonistes dans les dialogues.
Agaçant mais pas rédhibitoire, rassurez-vous.
Ruaud souhaitait bien du courage aux futurs chroniqueurs du Don. Pour être honnête, résumer cette œuvre sans la trahir relève du tour de force auquel je ne me risquerai pas.
Le Don est un ouvrage exigeant, d'une très grande beauté et plein d'histoires : celle que l'auteur nous conte, celles que le Conteur narre aux marins, celles que les personnages des histoires du Conteur se racontent et ainsi de suite. Dit comme cela, ça semble compliqué voire embrouillé mais il n'en est rien. L'ensemble est d'une fluidité incroyable car tout se recoupe et se rejoint au final. Patrick O'leary ne tombe jamais ni dans le pathos ni dans le déjà-vu tout en insufflant à son texte une irrésistible magie, celle du conte. Il arrive même à insérer très subtilement des éléments de SF, quasi transparents.
Pas de carte compliquée du monde dès le début du livre, pas d'elfes, pas de nains, oubliez tout cela. Mais de la magie, de la poésie, des histoires, des personnages étranges et attachants, de grandes douleurs et de grands bonheurs et un texte d'une beauté à couper le souffle.
9.5/10 La fantasy sous sa forme la plus pure : le conte. Essentiel.
Winter