Fiche n° 716 : Perdido Street Station de China Mieville
Couverture :
Résumé :
Lors de ses recherches pour l'homme-oiseau, Isaac Dan der Grimnebulin a libéré des monstres volants, les gorgones, sur Nouvelle-Crobuzon. Le gouvernement est vite dépassé par les événements et en appelle à la Fileuse, une araignée géante vivant sur plusieurs plans de réalité, pour l'aider à endiguer le péril. Les gorgones se mettent à pondre, et menacent bientôt toute la ville, dont les habitants sont la proie de terribles cauchemars. La milice est impuissante. Seuls Isaac et ses amis peuvent encore sauver Nouvelle-Crobuzon, au risque d'y laisser moult plumes et une oreille chacun, prix de leur pacte avec la Fileuse...
Informations complémentaires :
volume 1 : Ici
volume 2 : Ici
Mon avis :
Perdido Station Street fait partie de ces ouvrages qui ne peuvent me laisser indifférent... Ma perception finale du livre reste relativement ambigüe, et quand l'auteur – China Mieville – se dit appartenir à un mouvement littéraire fortement inspiré des œuvres de Philip Lovecraft, je comprends mieux mes impressions. Préparons-nous à revivre le désespoir, ça nous manquait !
J'admets volontiers que la fantasy populaire actuelle pourrait prendre un ton un peu trop lissé. Les critiques de China Mieville sur l'aspect commercial des publications dans le domaine, suivant presque un cahier des charges trop léché pour faciliter l'innovation, ne me paraissent pas forcément injustifiées. J'ai essayé d'en apprendre un peu plus sur l'auteur avant de me lancer dans Perdido Station Street, j'ai donc été curieux de découvrir son approche selon lui si différente de la fantasy classique.
Hé ben je n'ai pas été déçu...
Ici, un décor est planté, impartial : une mégapole saturée par une population hétéroclite et baignée dans la pollution. Rues sinueuses marquées par un passé riche mais plongées dans la décadence, égouts engorgés et rivière polluée aux effluves nauséabondes, fumées crasseuses et amoncellements de détritus... nous sommes effectivement loin des cités flamboyantes marquant le genre. Des magies redoutables et les prémices de la technologie viennent saturer cet univers chaotique et cradingue pour lui donner un ton plus steampunk que fantasy.
Le panel des races inhérent à la fantasy n'a rien de classique dans la forme. Elles sont en majorité répugnantes, l'auteur insiste souvent sur ces les craintes interraciales et le malaise qu'éprouvent la plupart de celles-ci à côtoyer les autres : femmes à tête d'insectes, organismes hybrides humain / végétal et autres hommes oiseaux n'en sont que quelques exemples. On les découvre petit à petit à travers l'histoire, les héros ayant pour la plupart des mutilations sévères qui viennent enfoncer le clou pour parfaire l'aspect déchu de cet univers.
Et pourtant, on s'attache petit à petit à toute cette déliquescence ! Le scénario tranche autant dans les méthodes classiques, ayant le temps de se déployer sur plus de 800 pages il nous prépare petit à petit à imaginer le pire en insistant sur le ton désespéré de la situation. L'auteur profite visiblement des richesses culturelles et historiques de son univers pour mener son récit avec une redoutable efficacité. Ses néologismes fréquents et l'emploi d'un vocabulaire trop savant perturbent légèrement le fil de la lecture, mais le bouquin se boit malgré tout comme du petit lait dès qu'on accroche à l'ambiance glauque et sombre de l'univers de China Mieville.
Si on cherche à découvrir le temps d'un gros pavé un univers foisonnant d'idées et d'originalité, à fouler quelques terres décalées de la fantasy, Perdido Station Street serait désormais le livre que je conseillerai. Pour ma part, ce livre m'a donné l'envie de trouver d'autres lectures de ce ton.
8/10 Un savant mélange, ce bouquin est hyper détaillé et minutieusement mis en scène... et l'alchimie fonctionne à merveille !
Boulet-Time