Fiche n° 780 : Manuel à l'usage des apprentis détectives de Jedediah Berry
Couverture :
Résumé :
Dans une ville autarcique noyée sous des flots incessants, Charles Unwin, clerc aux écritures à l'Agence, rédige et consigne avec un soin presque excessif les rapports du détective vedette, Travis Sivart. Réglé comme du papier à musique, son quotidien bascule dans le chaos lorsque Sivart disparaît et qu'il se voit promu, par une inexplicable aberration administrative, détective à la place du détective. Commence alors une descente hallucinée vers un monde étrange, nourri de dangers irrationnels et de beautés empoisonnées.
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Mon avis :
Clerc émérite de l'Agence, Charles Unwin est un modèle d'efficacité et de rigueur administrative. Parfaitement incapable d'appréhender le moindre écart dans son quotidien réglé comme du papier à musique, notre homme voit sa routine rassurante s'effondrer après une promotion : du rang de clerc, il est élevé à celui de détective, suite à la disparition du détective Travis Sivart et au mépris de toutes les procédures minutieuses de l'Agence.
Persuadé qu'il s'agit d'une grossière erreur administrative et flanqué d'une assistante narcoleptique, Unwin se lance sur les traces du détective Sivart dans le fol espoir de retrouver son confortable statut de clerc. Ses recherches prennent des allures étranges quand les anciennes enquêtes de Sivart ne s'avèrent pas aussi résolues qu'on l'aurait cru.
Etrange ouvrage que ce Manuel mais à l'ambiance résolument unique.
Dans un cadre mal déterminé mais assurément anglo-saxon début XXème siècle que ne renieraient pas les pulp magazines ou le Shadow d'Eisner, Jedediah Berry ballote le pauvre Charles Unwin dans un monde étrange et onirique. Très proche dans l'esprit du Brazil de Terry Gilliam, le récit voit Unwin découvrir les dessous du fonctionnement de l'Agence, administration kafkaïenne, déshumanisante et cloisonnée, dans sa recherche du détective vedette de l'Agence Travis Sivart.
Si le schéma narratif est finalement relativement simple, le Manuel à l'usage des apprentis détectives vaut essentiellement par son ambiance onirique et surréaliste à condition d'aimer naviguer dans le brouillard comme le personnage principal. En début de lecture, cela favorise beaucoup l'immersion mais on a rapidement l'impression d'être perdu et les révélations de l'intrigue ont tendance à arriver de façon impromptue sans qu'on ait le sentiment d'une réelle enquête. La partie onirique du récit n'est pas inintéressante, loin de là, mais quel dommage que Jedediah Berry y ait consacré l'essentiel de son récit.
Pour tout dire, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher aux personnages. Jusqu'à la fin, j'ai eu ce sentiment d'être, tout comme Charles Unwin, mis à l'écart de ce qui était vraiment intéressant, à savoir les relations entre Sivart, l'Agence et les éléments de leur passé. A force de vouloir perdre son lecteur, l'auteur y arrive.
6/10 Un récit original et doté d'une ambiance assez géniale. Dommage que l'ensemble manque de souffle et laisse le lecteur dans le brouillard jusqu'à la fin.
Winter