Fiche n° 782 : Nation de Terry Pratchett

Publié le par Librairie CRITIC

Couverture :
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Résumé :
Le jour de la fin du monde...
... Mau rentre chez lui depuis l île des Garçons. Bientôt il sera un homme. C est alors que la vague arrive une vague immense, qui remorque la nuit noire dans son sillage et apporte une goélette, la Sweet Judy, qu elle propulse dans la forêt tropicale de l île. Lorsque le bateau finit par s immobiliser en catastrophe, il n a plus qu une personne en vie à son bord (ou deux, si l on compte les perroquets). Le village a disparu. La Nation elle-même a disparu. Il n y a désormais plus que Mau, qui n est guère vêtu, une fille homme-culotte, qui l est bien trop, et des malentendus en pagaïe. Aucun ne sait ce qu il faut faire. Ni même comment le dire. Ensemble ils doivent bâtir une nouvelle Nation à partir des morceaux de l ancienne. Inventer une nouvelle histoire.
Mais... QUI GARDE LA NATION ? OÚ EST NOTRE BIÈRE ? ... l histoire ancienne ne va pas se laisser évincer sans réagir, du moins tant que les Grands-pères ont encore une voix. Et Mau doit regarder vers le passé avant d affronter l avenir. Inspiré, spirituel et imprégné du sens comique et satirique inimitable de Terry Pratchett, ce roman est une aventure formidable qui, littéralement, met le monde sens dessus dessous.

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Mon avis :
Deux échelons de lecture différents. Voilà ce que nous propose Terry Pratchett dans son one-shot « Nation ».  Autant dire que cette aventure de prime abord légère ratisse large en termes de public. Ne voyez pas dans le terme « légère » une critique négative, bien au contraire. C’est en effet cette légèreté environnante qui permet à ce récit de déployer ses mandibules  sur notre esprit songeur.

Deux interprétations qui sont liées à la personnalité touchante, et à la vision qu’ont les deux personnages principaux de la situation. En effet, le lecteur pourra à la fois se laisser porter par le côté humoristique des situations, parfois cocasses (public jeunesse), ou au contraire approfondir lui-même les questions que se posent les deux enfants (public adultes). Mau d’un côté, habitant et survivant de sa patrie, appelée Nation,  une terre et un pays qui pour simplifier s’apparentent à une vie de sauvageon, et de l’autre côté, Ermintrude, alias  Daphné, rescapée du naufrage dû à ce raz-de-marée. Cette dernière vient là aussi pour résumer, du monde civilisé. La dichotomie qui en ressort est alors on ne peut plus claire, la civilisation contre la nature, et par voie de conséquence, la science contre la croyance. Les questions, débats qui en découleront, feront partie intégrante du fil rouge de l’histoire. Je dirais presque cependant que l’histoire à proprement parler passe au second plan. Elle se veut simple, puisque le but de Mau est de reconstituer la Nation, qui se verra renforcer par d’autres naufragés au fur et à mesure. Pas la peine alors d’épiloguer sur les ficelles de la trame qui soit dit en passant est bien menée. Là ne réside pas l’essentiel pour ma part de ce livre, l’aventure ne servant que de support à un fond de réflexion bien plus dense.

Terry Pratchett s’appuie sur Mau et Daphné pour nous offrir une vision enfantine de questions quasi-philosophiques. C’est ainsi que je l’ai perçu, les notions telles que sciences et croyances, clivage des civilisations, la vie avec autrui, m’ont fait ressurgir quelques souvenirs du programme de philosophie en terminale.  Et force est de constater que de formuler ces questions existentielles dans l’esprit d’enfants permet de simplifier et d’imager ces notions complexes. Qu’il s’agisse de Mau qui se triture les méninges avec ses Dieux, Daphné qui tellement ancrée dans son éducation stricte de la société civilisée (merci grand-mère !) ne sait comment s’adapter à ce nouvel environnement sauvage, ou encore l’interaction entre ces deux mondes, nombreux sont les épisodes qui m’ont fait sourire. L’humour anglais de Pratchett fait encore mouche, et permet de donner corps aux échanges, où le burlesque côtoie l’émotion. Les symboles et les schémas mentaux de Mau,  Daphné et consorts sont tellement bien pensés et opposés (prenez l’exemple simple des culottes, emblème de la civilisation !), qu’à chaque regard, dialogue, réflexions internes, on remet sur le devant de la scène une piste de réflexion, libre au lecteur ensuite d’en donner un sens, et une interprétation. C’est le parti pris de ce roman, que de ne pas en avoir.

8/10 Une aventure touchante et humoristique pour les uns, une « allégorie philosophique » pour d’autres, Nation reste pour moi un condensé de tout cela. L’humour de Pratchett et la sincérité des propos rendent émouvant ces personnages et les situations auxquelles ils font face, mais servent parfaitement un cadre plus profond et dense qu’il n’en a l’air. Pour jeunes et moins jeunes, mais toujours avec plaisir.

SebO

Publié dans Critiques Fantasy

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