Fiche n° 830 : Des Milliards de Tapis de Cheveux d'Andreas Eschbach
Couverture :
Résumé :
Jour après jour, nœud après nœud, Ostvan fabrique des tapis de cheveux comme son père l'avait fait avant lui, et son grand-père, car c'est très long la fabrication d'un tapis de cheveux. Surtout quand il est destiné à la demeure de l'Empereur, le Palais des Etoiles. Si long qu'il peut se passer des choses avant qu'on l'ait terminé. L'Empereur a peut-être même abdiqué entre-temps. Peut-être est-il mort, abattu par des rebelles ?
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Mon avis :
Des tapis ! Quelle thématique originale pour le livre qui a fait connaître gloire et notoriété à Andreas Eschach, et permis également de se voir décerner pas moins que Le Grand Prix de l’Imaginaire 2001, catégorie meilleur roman étranger. Si de plus on rajoute que ces tapis sont faits en cheveux, et qu’il y en a des milliards, on retombe certes sur le titre de l’ouvrage, mais on se demande surtout ce qui a pu se tisser dans la tête de l’auteur, et quelle aventure il veut nous conter. On plonge alors dans un ensemble de petites histoires, qui bien que déconnectées chacune entre elles dans l’espace temps, s’imbriquent peu à peu pour déterminer un réel cadre contextuel somme toute cohérent. Chaque chapitre fait intervenir quelques personnages qui ont de près ou de loin un lien avec ces tapis. Qu’ils soient tisseurs de pères en fils, marchands, maître d’une guilde, collecteur d’impôts, rebelles et évidemment Empereur, nous partageons avec eux une partie de leur existence. L’un des coups de maître de l’auteur est de nous permettre de nous immerger dans chaque chapitre auprès d’un personnage, qui a son univers et cadre « spatiotemporel » propre. Des environnements quelque peu arriérés à ceux hautement technologiques, on se sent proche des ces personnages qui croient dur comme fer à leurs dogmes réciproques. On ressent à leur côté la peur, la crainte de l’Empire qui a toujours existé, on ressent aussi la flamme des rebelles qui veulent rétablir un monde libéré de cette soumission. L’intensité des émotions antagonistes est le cœur du livre. Et ce qui concrétise cette idée, le déterminant commun à ces frictions, ce sont des tapis élaborés à partir de cheveux, selon un procédé relevant du mysticisme généré et amplifié depuis la nuit des temps… depuis que l’Empire est.
Seulement voilà, l’Empire apparemment n’est plus. Et donc devrait s’arrêter par la même occasion cette culture du tapis, qui venait décorer le palais des étoiles de l’Empereur. Alors pourquoi cette coutume ancestrale demeure-t-elle ? Pourquoi les convoyeurs impériaux naviguent-ils encore et font transiter les tapis vers une destination inconnues, mêmes des rebelles ? C’est à ces questions que l’auteur nous propose de répondre, par le biais des visions différentes des personnages. Tenter de démêler le vrai du faux, de l’être et du paraître. Car je dois bien avouer que j’ai plusieurs fois douté de mes propres interprétations, ce qui est toujours source de satisfaction lorsqu’on se fait soi-même surprendre.
Le chapitrage étant court (un peu moins de 20 pages en moyenne), narrant le moment d’une vie d’un personnage, le style de l’auteur se veut direct, incisif. Il insuffle à notre lecture le sentiment profond qui habite, voire tiraille les différents protagonistes, quelle que soit leur croyance respective.
Détenir le fin mot de l’histoire sera un défi qui je pense ne peut pas se deviner. De là à dire que c’est tiré par les cheveux … Sans rien dévoiler de l’aboutissement de cette histoire, j’ai été surpris, pas de doute là-dessus, mais un brin déçu par la tournure finale que je pourrais qualifier de « décalée » par rapport au reste du récit. Rien de bien préjudiciable quant à la satisfaction globale qui s’en dégage.
8/10 Ovni de la littérature SF, qui a permis de passer les frontières allemandes à Andreas Eschbach, Des milliards de tapis de cheveux se veut un récit haletant et original. Une écriture fine et efficace, un souffle idéologique parfaitement maîtrisé quels qu’en soient les motifs, le tout pour une conclusion qui surprendra chacun de ses lecteurs.
SebO