Fiche n° 850 : Kalix, la loup-garou solitaire de Martin Millar
Couverture :
Résumé :
Kalix a fui l’Écosse et se terre dans les faubourgs de Londres car elle est poursuivie pour avoir attaqué son père, le chef du clan Mac Rinnalck, le clan de loups-garous le plus puissant d’Écosse. Dans sa fuite, Kalix ne peut guère compter sur les autres membres de sa famille qui se déchirent à l’aube d’une sanglante bataille de succession.
Entre un frère aîné qui la verrait bien morte, une sœur styliste obnubilée par les caprices de sa principale cliente - une reine des fées particulièrement déjantée - un autre frère secrètement transformiste et des cousines pop stars sur le déclin alcoolisées en permanence, Kalix ne peut compter pour se défendre que sur ses forces, supérieures à celles des autres loups-garous, et sur les tubes des Runaways, qu’elle écoute en boucle à plein volume.
Pour se jouer des tueurs lancés à sa poursuite et des balles en argent qui fusent autour d’elle, Kalix reçoit l’aide d’alliés aussi originaux qu’inespérés sous les traits d’un couple d’étudiants désargentés.
Elle, Lune, brillante et dynamique, lui, Daniel, mou et velléitaire, touchés par la détresse de la jeune Kalix, vont la prendre sous leur aile... et devoir affronter un monde dont ils n’auraient jamais soupçonné l’existence.
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Mon avis :
Kalix est la fille cadette du chef du puissant clan Mac Rinnalck, ce que les loups-garous anglo-saxons ont de plus proche d'une famille royale. Ses différends récurrents avec sa famille ont culminé avec l'ingérence paternelle dans ses affaires sentimentales. Son père a survécu, et Kallx a quitté l'Écosse, évitant ainsi la condamnation du Conseil pour son attaque sauvage.
Une bonne base pour de la Bit-Lit ? Oui, peut-être. Mais Martin Millar nous épargne une nouvelle histoire de princesse pseudo-gothique, pleine de pathos et de mièvrerie. S'il reprend certaines des fondations que la Bit-Lit a transformées en clichés éculés, c'est pour leur rendre leur gloire d'antan... Ou du moins, les déconstruire allègrement.
Kalix promène donc sa dépression (au sens clinique du terme), son anorexie, son illettrisme et son alcoolisme dans les bas-fonds de Londres. Pas parmi les clochards, tout de même: elle est loin d'être assez adaptée socialement pour cela. De même, ses problèmes de drogue sont d'autant mieux maîtrisés qu'elle a rarement assez d'argent.
Sans qu'elle se sente réellement concernée, le petit différent familial a ouvert de glorieuses opportunités: les candidats à la prochaine succession du clan fourbissent déjà leurs... « arguments » et les chasseurs de garous rêvent d'écorner enfin le pouvoir des Mac Rinnalck. Quant à l'Enchanteresse, sœur ainée de Kalix et plus grande magicienne des îles, elle prépare avec trépidation la nouvelle collection de sa jeune maison de mode. Plus grave encore, Malvora, la reine des élémentaires de feux subit les assauts sartoriaux d'une souillon de princesse parvenue!
Si vous voulez savoir pourquoi les Runaways est le plus grand groupe de musique de tous les temps, où vous procurer votre laudanum, comment vous souvenir encore de votre nom à la fin d'un concert, ou même comment réussir votre année de fac avec un effort raisonnable et même parler aux représentants du sexe opposé sans trop de ridicule, Martin Millar est prêt à vous renseigner.
Son style est sec, incisif. Les chapitres sont brefs, denses. L'exposition est parfois présentée comme une évidence. Nous revenons ainsi rapidement à l'essentiel. Pour une définition parfois savoureuse de l'essentiel. Chaque chapitre change de point de vue, et tous les personnages s'y révèlent. Les pires en deviennent compréhensibles, voire même humains. Pas nécessairement sympathiques pour autant : Martin Millar est un écrivain, pas un faiseur de miracles. Tous dépensent cependant des efforts bien méritoires pour nourrir leurs obsessions, aussi futiles puissent-elles paraître aux philistins que nous sommes.
L'histoire de Kalix, la loup-garou esseulée (une pédanterie de ma part, mais je me devais bien de faire un reproche pour éviter toute accusation de flagornerie) se termine à la fin de ce livre, chose bien rare en cet âge de trilogies en quatorze volumes. J'avoue néanmoins en avoir quitté les protagonistes à contrecœur. Heureusement, nous les retrouverons dans la « Malédiction du loup-garou » qui honore déjà la langue de Shakespeare. Il ne tient qu'à nous de convaincre l'éditeur que celle de Molière réclame aussi son dû.
9/10 Un rythme vif et soutenu. Un fourmillement de personnages intéressants, et souvent attachants. Une irrévérencieuse, bien plaisante et nécessaire bouffée d'air frais dans le monde de la fantaisie urbaine. Un livre qui dépasse amplement ses prétentions.
Eldritch