Fiche n° 869 : Page noire de Meyer, Giroud & Lapière

Publié le par Librairie CRITIC

Couverture :
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Résumé :
L’histoire contemporaine commence à New York et s’intéresse à Carson Mc Neal, un immense auteur de best-sellers, dont on ne sait absolument rien. Evidemment, cela intrigue la jeune et ambitieuse critique littéraire Kerry Stevens de Tales & Writers qui rêve d’être la première à l’interviewer. McNeal écrit un nouveau roman sur Afia, une jeune Palestinienne, en quête d’identité car elle a perdu toute sa famille dans le massacre de Sabra et Chatila. Deux récits qui n’ont apparemment rien en commun mais qui vont trouver à se croiser…

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Mon avis :
Cette BD est unique, on n’en fera pas d’autres, qu’on se le dise ! De l’originalité de l’histoire,  de la construction et du rythme, des styles graphiques (eh oui, il y en a plusieurs !) jusqu’à l’intensité dramatique du « récit », une telle conjonction ne se retrouvera pas. De la même manière, la réunion pour  un scénario à quatre mains (et quelles mains !) et un dessinateur aussi original que talentueux (servi par une coloriste plus qu’au rendez-vous)  font partie de ces évènements rares qui aboutissent parfois à des étrangetés...ou à de véritables bijoux.

Mais prenons notre temps, ce livre est au premier abord un très bel objet ; une reliure luxueuse,   une belle couverture cartonnée mate, une illustration que l’on regarde différemment après une première lecture, une quatrième de couv qu’il ne faut pas lire : elle ne rend pas justice à l’histoire, 102 pages  (eh oui tout de même !) dont pas une de trop pour servir ce récit qui est un pur plaisir.

Parlons un peu de l’histoire et des personnages ; ils sont au nombre de trois, écorchés vifs, abîmés par la vie, avec chacun un passé /jardin secret «méandramatique » qui se révèle au fil de l’eau.

Carson Mac Neal, auteur de best-sellers profonds et émouvants, totalement  inconnu  du public puisqu’il ne donne pas d’interview, qu’il n’apparaît jamais en public au point que jamais une photo de lui n’a jamais été publiée … quant à  son lieu de résidence ou plus encore son passé n’en parlons même pas ! Cet homme, cet écrivain génial n’est pas un mystère, c’est un spectre ! On le découvre au fil de l’intrigue, abrupt, taciturne, secret, éprouvé, émouvant… il sera le fond,  la cause et le pourquoi de l’histoire…qui lui apportera sa rédemption.

Kerry, jeune et jolie New-Yorkaise, journaliste littéraire et d’investigation ( !) s’est mise en tête de décrocher le scoop du siècle en mettant à jour, et pourquoi pas a nu, le grand mystère personnifié qu’est Carson Mac NEAL. Instable, craquante, malheureuse, grande gueule, indépendante, écorchée vive, fine mouche, pétillante et déterminée  (rien que ça !), elle sera le prétexte, le liant, le trait d’union dans  cette histoire qui permettra sa catharsis.

Afia, personnage fictif (?) du roman en cours de l’auteur  ou  victime d’un drame d’outre-histoire ? Belle, mais dure jeune femme, sortie de l’univers carcéral, ex-prostituée toxico rattrapée par son passé fragmenté de môme palestinienne, survivante d’un massacre. Débordée par des cauchemars qui la détruisent à petit feu, un havre de paix et un début de thérapie lui font recouvrer la mémoire et se lancer dans une vengeance urgente, immédiate, sans concession… belle, dure , violente, torturée, humaine avant tout  … Elle sera la souffrance, l’espoir et le pardon, l’anti-némésis  d’une histoire qui lui rendra la paix et un avenir.

J’ai hésité à m’attaquer à la chronique de cette œuvre par crainte (justifiée) de ne pas lui rendre justice et parce qu’il est horriblement malaisé de restituer la densité du matériau tel que l’ont organisé les 3 auteurs. Ils ont joué sur toutes les ficelles imaginables (séquencement et  rythme, interruptions et alternances, révélations progressives sur les protagonistes, codes graphiques et panels couleurs chauds /froids alternatifs, construction et mise en cohérence progressive des évènements et interactions…) . On arrive à un livre fort, mais harmonieusement et finement ciselé qui se pose naturellement et sans aucune lourdeur après un début légèrement et - sans aucun doute -  volontairement perturbant : ça ouvre l’esprit et prépare à la suite !

Graphiquement, c’est superbe, original et très bien fichu (et c’est un esprit étriqué qui aimait le dessin académique et ultra-réaliste qui vous parle !).  Le livre débute en ayant deux styles graphiques totalement différents (selon les protagonistes) qui fusionnent au fil des histoires individuelles qui se rejoignent en une, pour donner à plein sur l’épilogue. Petit focus pour saluer les mises en page et le travail en clair obscur/monochrome ( exemple p 74) : Chapeau bas Mr MEYER et Miss DELABIE.

9/10 : Il faut ça pour rendre justice à l’art consommé de ce Quatuor qui a dû travailler d’arrache pied au service d’une trame complexe pour amener un récit accessible, ultra dynamique, captivant, intrigant, qui se lit d’une traite …et qui se relit ! un très bel ouvrage donc à garder à portée de main, à lire et  à offrir sans attendre (il faudrait être fou pour attendre un prétexte comme Noël !) et je n’ai pas d’actions chez FUTUROPOLIS !! mais je vais m’intéresser de très près à leurs sorties !

Nota Bene : Chez moi, il est rangé sur l’étagère du haut entre le « Cahier bleu » de JUILLARD et « Silence » de COMES…

Christophe

Publié dans Critiques BD

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C
<br /> C'est vrai que la fin est un peu convenue et anticipable, l'épilogue surtout peut paraître laborieux.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> j'ai aussi aimé cette bd par son côté graphique "floue" et simplifié sur les plans larges , et fin et précis sur ses gros plans .<br /> <br /> Juste dommage que l'on puisse deviner la fin ( ce fut mon cas ) au milieu de l'histoire , page 58 si mes souvenirs sont bons ...<br /> <br /> <br />
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