Fiche n° 870 : The Fuller Memorandum (La Laverie 3) de Stross
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Mon avis :
Pour ne pas perdre le bénéfice de leur expérience lors de dans l'éventualité d'une indisponibilité prématurée, la LAVERIE demande à ses agents de tenir un journal. Voici donc le troisième volet des mémoires de l'agent répondant au nom de Bob Howard.
Bob nous parle en avant-propos de sa Foi, de la perte de son athéisme et du coût attenant. Il nous met en garde : ce volume sera sombre, bien plus que les précédents. Nom de code CAUCHEMAR VERT approche, et les conséquences seront – sont déjà – terribles.
Le manque d'accréditation du lecteur, ainsi que l'absence totale de sécurité sur ce site, ne me permettent pas réellement de vous rapporter ces évènements. Je me dois néanmoins de vous mettre en garde, autant que faire se peut.
Sachez donc que :
1. les britanniques ont perdu la Théière ;
2. les russes le savent ;
3. ils sont terrifiés à l'idée que quelqu'un l'utilise pour faire du thé ;
4. ils voudraient que la théière soit retrouvée ;
5. ils préfèreraient la garder pour leur propre usage.
Ces quelques avertissement pourront peut-être vous sauvegarder :
1. méfiez-vous des agrafes ;
2. les violons blancs sont des abominations ;
3. Corto dit « le Maltais » en savaient sans doute plus qu'il ne le montrait ;
4. le lien entre Apple et le défunt Alan Turing est peut-être plus profond qu'il n'y paraît : menace cultiste ?
5. pensez aux enfants !
Dieu sauve la Reine ! La LAVERIE nous sauve de Dieu!
Repassons maintenant du coté habituel (et plus sûr) du papier.
Comme dans le Bureau des Atrocités et la Jennifer Morgue, Charles Stross poursuit sa fusion impie, par degré croissant d'horreur, entre le thriller d'espionage, l'horreur lovecraftienne et le management dilbertien.
Manquant de vécu sur le coté thriller, je ferai l'impasse sur l'hommage qu'il rend au genre cette fois, après le pulp et James Bond dans les livres précédents. Par contre, les abominations d'outre-espace prennent ici le pas sur Dilbert, qui vire même un peu au Kafka. Un des terribles secrets de la marque à la pomme est aussi révélé.
Mô tient à nouveau un beau rôle dans ce récit. Certains de ses collègues s'en plaindront, mais la simple frontière de la feuille de papier me permet d'admirer sans crainte.
Comme à son accoutumée, Charles Stross s'appuie sur de nombreuses références, lançant clin d'œil sur sourire complice à ses lecteurs. Si le livre est solide et plaisant par lui-même, il ne prend toute son ampleur que devant le public auquel il est destiné : principalement les geeks. Pour qui comprend toutes les surprises cachées dans la structure ou le texte du roman, le Memorandum Fuller est un délice. Il n'atteint pas le titre de chef d'œuvre, principalement sous le poids de ses bagages : aussi plaisante soit-elle, cette complicité avec l'auteur nuit parfois à l'immersion du lecteur.
D'un autre coté, peut-être est-il préférable de prendre des bouffées régulières d'air raisonnablement pur : celui que respirent les agents de la Laverie est franchement pesant. L'horreur a besoin de normalité pour marquer le contraste, et cette fois, Charles Stross ne fournit guère cette légèreté qu'à ses lecteurs, pas à ses personnages. Des remarques glaçantes nous prennent parfois en embuscade au détour des discussions les plus anodines. Le seul vrai répit est de refermer le livre – nous en avons le privilège.
« Ex Ignorantia ad Sapientam, e Luce ad Tenebras » nous clame la Miskatonic. Le Fuller Memorandum nous mène de mystère en secret, la tension augmentant donc avec notre compréhension jusqu'à l'explosion finale de bruit et de fureur.
Restent quatre points d'importance :
1. La perfide Albion ne nous a pas encore donné accès à ces informations capitales ;
2. Des fuites ont pu être organisées précédemment, peut-être par le biais de la Vieille Alliance, mais le réseau LIVRE DE POCHE semble compromis – vérifier l'absence d'enchantement repoussoir sur les illustrations de nom de code PATERNOSTER ;
3. Il convient de se demander s'il est raisonnable de laisser la Théière à la nation qui a infligé au monde le Lipton Yellow ;
4. Dilbert ne saurait mourir, seulement sommeiller et rêver pour un temps : Dilbert fhtagn !
7,5/10 (montez jusqu'à 8,5 si vous appréciez Lovecraft et Dilbert). Le Fuller Memorandum monte en intensité par rapport à ses prédécesseurs, et en horreur cosmique. Un bon livre, intense, mais dont l'humour ne se déploie réellement que face à la partie avertie de son public. Un régal pour les geeks. Pour public averti.
Eldritch