Fiche n° 806 : La Mort dans l'Âme (Félix Castor 2) de Mike Carey
Couverture :
Résumé :
Cette fois, Felix Castor ne peut pas se plaindre, son carnet de commandes est bien rempli :
Récupérer le cadavre d’un ami. Il doit bien ça à son fantôme : s’il avait levé le petit doigt, il serait encore vivant.
Arrêter une tueuse en série qui frappe de nouveau… alors qu’elle est morte depuis belle lurette.
Obtenir la garde – si ce n’est l’âme – de Rafi, son camarade possédé.
Épaulé par Juliet le succube et Nicky, un zombie parano et hackeur, Castor a peut-être une chance de rassembler les pièces du puzzle avant de finir la gorge tranchée, ou en tas au fond d’une cage d’ascenseur.
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Mon avis :
Il est parfois difficile de voir un roman – ou une série de romans comme dans le cas qui nous intéresse – que l’on apprécie sortir dans l’indifférence générale. On a beau se convaincre que le monde est mal fichu, que les lecteurs sont stupides, que l’on se fait décidément trop vieux, l’absence de succès d’un « coup de cœur » n’est jamais facile à digérer. Mais digérer reviendrait à accepter cette défaite « la mort dans l’âme » (sic !). C’est pourquoi il ne faudra pas vous étonner si cette critique se fait militante, amère, parfois peu amène, un brin égoïste aussi (je veux la suite !). Le cœur a ses raisons… et ses coups de gueule.
N’y allons pas par quatre chemins : au beau milieu des dizaines de séries de fantasy urbaine qui pointent leurs avantageux atouts chaque année, deux valent vraiment le coup : les Dossiers Dresden d’une part, et les enquêtes de Félix Castor d’autre part. On pourra m’accuser de sexisme puisque l’une comme l’autre ont à leur tête un personnage masculin mais on ne m’enlèvera pas de l’idée que tout le reste est plus ou moins bon, plus ou moins oubliable, plus ou moins mauvais. Aussi, lorsque l’on voit la première caler au bout de cinq tomes et la seconde sortir dans l’indifférence générale dont je vous parlais plus haut, forcément ça énerve. Pas trop, rassurez-vous, c’est mauvais pour mon cœur. Je me fais vieux, je vous dis.
La Mort dans l’Âme débute là où Cercle Vicieux nous avait laissé. Pour « Fix », les affaires marchent un peu mieux. Pour autant, ce n’est pas la joie. Des morts reviennent à la vie… Un collègue vient de perdre la sienne. Et son meilleur ami en en passe de perdre… son âme… S’il ne fait – dès le départ – aucun doute que les deux premières intrigues sont liées, l’enquête n’en est pas moins passionnante, tout au contraire…
Mike Carey possède une plume solide très bien rendue dans notre langue par le traducteur auquel il convient de tirer notre chapeau. Non seulement le scénariste de l’adaptation comics de Neverwhere y fait montre de qualités littéraires indéniables, mais il arrive à imposer à son histoire un semblant de réalisme dans un genre où elle souvent mise à mal (c’est vrai que la présence de loup-garou et autres vampires n’aide pas…). On est bien loin des frasques extraordinaires de notre Harry Dresden préféré, des parties de jambes en l’air de …Avouez-le, vous avez déjà oublié son nom ! Pourtant, loin d’ennuyer, l’intrigue passionne par sa lenteur, par son cheminement réaliste, aux antipodes des standards actuels, par sa noirceur. Car, plus encore que dans le premier opus, Mike Carey nous plonge dans une ambiance noire, glauque, malsaine que ne renieraient pas certains films noirs.
Tout n’est pas noir cependant. Çà et là vivotent quelques étincelles de lumières, quelques touches d’humour. Ces « respirations » ont essentiellement lieu lors des passages de réflexion du personnage principal ou lors des dialogues avec Juliet le succube ou Nicky le zombie. Ces deux-là font un retour en fanfare : la première a le droit a quelques scènes d’action de tout premier plan, tandis que le second dévoile – sans mauvais jeux de mots – une épaisseur peu coutumière pour un mort-vivant.
Une fois refermé le livre, il me reste une image, celle d’un vieil imperméable de détective qui se noie dans une flaque d’ombre. Encore et encore. Jusqu’à plus soif. Mais je crois que je dévie de mon sujet, je crois que je déraille. La sénilité me guetterait-elle ?
Point de défaut à l’horizon ? Oh, si, bien sûr, une petite facilité ici, un minuscule raccrochage là, mais l’ensemble est de haute tenue, et relever les quelques points noirs tiendraient ni plus ni moins que du « chipotage ». Non, La Mort dans l’Âme n’est pas parfait, mais il est – de loin – ce que la fantasy urbaine fait de mieux.
Alors finalement, à qui s’adresse ces enquêtes de Félix Castor ? Aux fans des Dossiers Dresden, c’est sûr. Aux amateurs d’Hellblazer ou d’Hellboy, nul doute là-dessus. Mais parions aussi que les aficionados de polar que des intrusions fantastiques ne dérangeraient pas, y trouveraient tout à fait leur compte.
8,5/10 Nivelée vers le bas par la mauvaise qualité de la plupart des productions labellisées « bit-lit », la fantasy urbaine trouve en Félix Castor un digne défenseur, capable de satisfaire les amateurs de polar comme ceux de fantastique.
Simatural