Fiche n° 701 : Rien que l'Acier (Terre de Héros 1) de Richard Morgan

Publié le par Librairie CRITIC

Couverture :

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Résumé :

Il y a dix ans, l’alliance des hommes et des kiriath a repoussé les terribles Écailleux. Qui se souvient maintenant des héros de cette guerre ?
Ringil vit en exil, rejeté par sa famille. Mais pour sa cousine Sherin, vendue comme esclave, il décroche son épée et retourne sur les lieux de son passé.
Dame Archeth, abandonnée par son peuple, est la conseillère d’un empereur décadent qu’elle abhorre. Seule, elle part enquêter sur une nouvelle menace aux frontières de l’empire.
Et puis il y a Egar tueur-de-dragon, un nomade auréolé de triomphe au sortir de la guerre. Une gloire aujourd’hui bien émoussée dans un monde qu’Egar ne reconnaît plus.
Ces trois anciens amis vont se réunir et se battre à nouveau pour une cause héroïque et désespérée...

Informations complémentaires :
http://www.critic.fr/detail_livre.php?livre=36662

Mon avis :
Surprenant.
C’est le terme qui vient immédiatement à l’esprit après quelques pages. On attendait avec impatience de voir arriver Richard Morgan en fantasy. Rien que l’idée de transposer le rythme survolté et ses personnages violents de ses romans SF dans un univers de fantasy donnait l’eau à la bouche. On pressentait ainsi l’auteur de Carbone modifié dans un registre de l’heroïc fantasy quelque part entre David Gemmell et Robert Howard. Et, en effet, les premières pages donnent le ton d’une fantasy noire, brutale, cynique, sans concession. De l’heroïc fantasy donc dans un monde sombre, décadent et technologique… Car non, Morgan n’a pas tout à fait réussi à renier ses pulsions science-fictives et c’est tant mieux. Sur de nombreux points, il donne l’impression de débarquer avec un œil nouveau, sans connaître les stéréotypes et les poncifs du genre. Du coup, sa fantasy explose les clichés et regorge de trouvailles en tous genres qui n’auraient pas dépareillé dans un roman de SF. À l’instar du mouvement new weird, Morgan ne s’interdit pas grand-chose, à tel point que son roman pourrait presque se rapprocher de L’Année de notre Guerre, le côté héroïque en plus. Ainsi, la magie n’a plus rien de magique ; chez Morgan, elle est corrompue, viciée et crade. On rencontre sur les « terres des héros » aussi bien des lézards, des anges, des extra-terrestres que des démons. Pas de doute, Rien que l’acier tranche avec la production actuelle.

Dans ce premier tome, on suit trois personnages : deux hommes et une femme. Tous trois ont leurs plus beaux jours derrière eux. Certes, ils ne sont pas vieux mais leur moment de gloire est passé, repassé par une histoire qui ne reconnaît plus l’héroïsme, piétiné par les hommes qui n’y croient plus. L’un vit du récit de ses anciens actes de bravoure. L’une prostitue ses idées en travaillant pour un homme qu’elle rêve de voir crever. Le dernier cavale après sa gloire passée et un monde qui court plus vite que lui. Toutefois, ils doivent reprendre les armes pour de multiples raisons. Vous l’aurez sans doute remarqué : on retrouve dans rien que la thématique chère à Gemmell de « l’ultime combat ». A ce jeu, Morgan s’en tire plutôt bien. Dans la première incursion de Richard Morgan en fantasy, on tue, on se drogue, on baise et on tue. Encore. Toutefois, les mots découpent et tuent aussi souvent et sûrement que l’acier.  En effet, derrière ce déchaînement de sexe et de sang, l’auteur anglais, fidèle à son habitude, développe des dialogues plus posés et des questionnements sur la tolérance. Du côté des personnages évitent les clichés du genre – et je ne dis pas juste cela parce l’un des protagonistes est gay. S’ils incarnent les héros – dans les deux sens du terme – de l’intrigue, ils tirent à la fois du côté des mercenaires de la compagnie noire (pour leur part d’ombre) et du côté de Joe Abercrombie (pour le détournement amusant des stéréotypes : genre le barbare gay, etc.). Ringil, Archeth et Egar traînent des boîtes de conserve derrière eux, des belles et des moins belles, et on est à des lieux des puceaux aux pouvoirs magiques latents qui pullulent en fantasy. De fait, dans ses remerciements, Morgan remercie Michael Moorcock, Karl Edward Wagner ou Poul Anderson, ce qui ne surprendra personne.

Toutefois, le pari de Morgan n’est pas entièrement réussi. Il n’arrive pas à propulser son roman à la hauteur de ses ambitions. Et il ne manque pas grand-chose à Richard Morgan pour être au niveau des meilleurs. En fait, il lui manque les deux grandes qualités de Gemmell : le cœur et le souffle. À force de cynisme et de noirceur, l’univers plie sous son propre poids. Même remarque pour les personnages dont le masque de froideur ne tombe que trop rarement pour que le lecteur puisse s’attacher à eux, malgré un rythme trépidant, Rien que l’acier souffre d’asthme, d’un manque de souffle singulier que ne viennent jamais conforter ni les dialogues ni les scènes de combat. Signalons quand même que ces deux défauts tendent à s’atténuer dans le dernier quart, lorsque l’auteur lâche – enfin – les chevaux et que la bataille finale en met plein la tronche. Finalement, ce roman peine sous le fardeau de ses ambitieux et il faut peut-être le considérer comme une simple introduction.

7,5/10 Entre dark fantasy et heroïc fantasy, Rien que l’Acier surprend pour le meilleur comme pour le pire. Un roman original et ambitieux, mais imparfait qui laisse entrevoir de belles promesses pour la suite.


Simatural

Publié dans Critiques Fantasy

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